Pourquoi se compliquer la vie en créant une entreprise éthique et solidaire?

Comme si créer une entreprise ce n’était pas suffisamment compliqué, certains y ajoutent des ambitions écologiques, sociales et solidaires… Seraient-ils un peu maso?

Pour réussir son projet d’entreprise, pas de recette magique : il faut y dédier une grande partie de son temps et de ses ressources, avoir de la chance et être bien entouré. Créer une entreprise avec des ambitions écologiques, sociales et solidaires permet de mettre l’humain au cœur de son projet et de ne pas s’arrêter aux seuls objectifs financiers. C’est aussi accepter des contraintes pour respecter ses valeurs et agir à son échelle.

Pourquoi prend-t-on cette orientation ? Et surtout, comment s’en sort-on ? Deux entrepreneures, Laëtitia Van de Walle, fondatrice des cosmétiques Lamazuna et Marie-Anaïs Limet-Delmotte, fondatrice de l’entreprise Mes Comptoirs, racontent le quotidien et les motivations d’un créateur d’entreprise sociale et solidaire.
Concrètement, ça ressemble à quoi un engagement social et solidaire ?

Laëtitia : Les produits Lamazuna ont pour but d’arriver à zéro déchet dans la salle de bain, tout en étant 100% naturels pour les cosmétiques, fabriqués en France et véganes. Pour compléter notre démarche, nous reversons 2% des ventes de notre site pour planter des arbres au Pérou dans le cadre d’un projet d’agroforesterie : les arbres plantés permettent de donner un revenu aux agriculteurs, qui les plantent en complément des espèces végétales déjà en place, ce qui permet de préserver la biodiversité.

Marie-Anaïs : Pour mes créations, je choisis des tissus écologiques, le plus ancrés dans l’économie locale possible. Ma mercerie vient aussi exclusivement d’Europe : principalement de France, et un peu d’Allemagne quand je ne trouve pas localement. Je fais régulièrement des opérations éthiques et solidaires : pour la fête des mères, j’ai choisi de lancer une box éthique et solidaire, une collaboration avec des créatrices françaises (dont Lamazuna), pour proposer des produits fabriqués et conçus localement, avec un engagement éthique et écologique. Une partie des ventes est également reversée à deux associations qui me tiennent à cœur.

Quelles contraintes ça représente pour la vie de l’entreprise ?

Laëtitia : Ça nous complique la vie dans le sens où, lorsque nous avons une idée de nouveau produit, nous devons réfléchir à l’impact de sa fabrication, de son packaging, de sa fin de vie, etc. La démarche est totalement différente de celle d’une entreprise classique qui demanderait des devis à plusieurs fournisseurs et choisirait simplement le moins cher. A côté de ça, en mai 2016, nous avons permis d’éviter à 5,6 millions de déchets de partir à la poubelle : 10.500 flacons en plastique de shampoing grâce à nos shampoings solides, 608.000 tampons hygiéniques grâce à nos coupes menstruelles, etc.

Marie-Anaïs : Au quotidien, il faut réussir à concilier nos valeurs, nos ambitions et ce dont les clients ont envie. Pendant mon étude de marché, je me suis rendue compte que les gens étaient sensibles à l’angle écologique et social… uniquement si ça ne leur coûtait pas plus cher. Mais je suis sur un secteur où une très grande partie de la production et de la création ont été délocalisés. Ce n’est pas toujours facile de tout concilier.

Pourquoi se compliquer la vie ?

Laëtitia : Après avoir monté plusieurs projets, j’ai eu besoin de créer une entreprise qui ait du sens car j’ai réalisé qu’en tant qu’entrepreneurs nous sommes à 100% responsables des produits qui existent sur Terre. J’ai donc chercher à développer des produits les mieux possibles pour nous et pour la planète.

Marie-Anaïs : Après mon master en développement durable, j’ai découvert que les entreprises mettaient souvent en place des actions responsables uniquement sous la contrainte, pour respecter les règlementations. J’étais frustrée que l’impact positif sur les salariés et sur la communauté ne soit pas pris en compte. Quand j’ai créé ma structure, j’ai voulu que l’engagement écologique, puis social et solidaire soit au coeur du projet. Pour moi c’est à nous, entrepreneurs, d’utiliser nos structures pour provoquer des changements positifs. Je pourrais le faire dans mon coin, sans en faire un élément de ma marque, mais j’ai envie d’utiliser l’entreprise pour faire parler de ces sujets là. Pour moi ça fait partie intégrante de ma responsabilité en tant qu’entrepreneure.

AUTEUR DE L’ARTICLE : Laure Jouteau

Source : Say yes