Sans l’économie sociale et solidaire, pas d’avenir pour la COP21 !

Il est clair que la COP21 sera un échec si nos efforts se concentrent uniquement sur le maintien à 2°C du réchauffement climatique. Arrêtons de fonctionner par « tranches d’objectifs » et osons une vision plus intégrative, qui puisse à la fois répondre aux défis du dérèglement climatique, du bien-être des citoyennes et des citoyens et de leur intégration dans les territoires et les villes. Comment peut-on se soucier uniquement de la réduction des émissions de gaz à effet de serre tout en fermant les yeux sur les fissures de notre vieux modèle capitaliste dans le monde ? Dérapages d’entreprises actionnariales, délocalisations massives accompagnés de grandes vagues de licenciements, mauvaise adéquation entre innovation et création d’emplois, agriculture hyper-productive et hyper-destructrice de forêts etc. La liste est encore longue.

Ces déséquilibres induits par le modèle dominant touchent tous les secteurs et nous obligent inévitablement à revenir sur une priorité : assurer le bien-être des habitants de la planète.

La crise n’est pas seulement environnementale. Elle est multidimensionnelle : humanitaire, sociale, climatique, énergétique, financière. Il serait donc naïf de croire qu’il suffit de corriger quelques erreurs du système pour répondre aux défis posés par le cumul des crises. Il n’est pas question non plus de remplacer ce modèle par un autre qui serait unique et parfait ; ce serait illusoire et dangereux. Il s’agit plutôt d’encourager une pluralité de systèmes, mus par une même exigence : la satisfaction des attentes des populations en matière de développement humain, écologique et durable.

L’économie sociale et solidaire (ESS) est une réponse crédible, déjà opérationnelle et désormais urgente à ces attentes. Présente dans tous les secteurs et sur tous les continents, « l’économie sociale et solidaire est au cœur de tout », a rappelé le Président de la République François Hollande en septembre dernier, alors qu’il présidait la réunion du Groupe Pilote International de l’ESS à New York.

Certains la conçoivent encore comme une économie « béquille », qui ne fait pas le poids face aux multinationales. Les chiffres parlent pourtant d’eux même : un milliard de personnes sur la planète participent à la gestion de coopératives, les 300 plus grandes coopératives de 24 pays représentent un chiffre d’affaires cumulé de plus de 2 000 milliards de dollars. Et pour la première fois depuis 10 ans en France, le cap des 2 millions de salariés en équivalent temps plein a été franchi, soit plus de 10% des salariés.

L’ESS ce sont des coopératives, mutuelles, associations, fondations, entreprises participatives et solidaires, organisations de services ou de produits libres (logiciels, semences agricoles), déjà à pied d’œuvre pour appliquer les objectifs de développement durable. Loin de s’en tenir à l’action sociale, l’ESS est aussi présente dans les domaines économiques et financiers les plus concurrentiels tels que l’agriculture, la pêche, l’assurance, la banque ou la distribution. Elle applique le principe de respect des personnes et de l’environnement, elle met en avant un projet et non le gonflement d’un capital. Gérées démocratiquement, ces entreprises érigent l’équité en règle de conduite. Propriétés indivisibles elles ne sont menacées ni par des opérations d’achats ni par le besoin de délocaliser.

Il est donc grand temps pour les responsables politiques comme économiques ou syndicaux de prendre en compte l’ESS. De comprendre comment, partout dans le monde, elle permet à la société civile de s’organiser démocratiquement et d’entreprendre autrement. La « Déclaration Commune en faveur de l’ESS » adoptée le 28 septembre à l’ONU est à cet égard, une « première » d’envergure internationale.

Le sommet de la COP21 peut être un tournant majeur. Peut-être même peut-il faire oublier les échecs des précédentes conférences internationales de Kyoto, Copenhague et même de Rio. Mais disons le franchement : la COP21 a besoin de l’économie sociale et solidaire ! La limitation à 2°C du réchauffement global est bien entendu une ambition raisonnée. Si les efforts actuels sont jugés insuffisants, c’est parce que les différents niveaux et modes de développement ne sont pas vraiment pris en compte ! Ce sont les pays en voie de développement et les pays les moins avancés qui nous le disent. Pour résoudre en profondeur la crise climatique, il est urgent de faciliter des modes de croissance qui allient souci de démocratie et amélioration des Indices de développement Humain. Une nouvelle ère de la mondialisation doit s’ouvrir, plus sociale tout autant que plus verte. L’économie sociale et solidaire en est le moteur naturel.

Thierry JEANTET
Président des Rencontres du Mont-Blanc, le forum international des dirigeants de l’économie sociale et solidaire

Source : Le Huffington Post