Résultats d’études : les PTCE, un type de coopération économique unique
Les PTCE ne sont ni une agence de développement territorial, ni un pôle de compétitivité au sens classique du terme, ni un simple réseau ou club local d’entreprises fussent-elles d’ESS. Le territoire est au cœur du projet, les interactions entre acteurs sont essentiellement locales et le développement des acteurs membres est prioritaire. Ces modalités de fonctionnement marquent une différence majeure avec d’autres concepts comme les clusters ou les pôles de compétitivité.
Ses contours sont mouvants. Le PTCE n’est pas un modèle figé, mais bien un outil sur-mesure que des acteurs économiques d’horizons variés sur un territoire peuvent utiliser pour recréer ou consolider des filières, des emplois, mutualiser des ressources, renforcer le potentiel de TPE et PME, ou encore bénéficier d’un moyen de médiation économique.
Encore récent, avec 5 ans d’existence, un article de loi et deux appels à projets interministériels à son actif, le concept est encore en phase d’expérimentation. L’écho qu’il a rencontré, au-delà même du milieu de l’ESS, montre cependant qu’il s’adapte parfaitement à un nombre croissant de pratiques ou encore qu’il répond à un besoin et des intérêts grandissant pour les regroupements coopératifs.
On observe ainsi une grande variété de secteurs couverts, de modes de gouvernance ou d’animation des Pôles. Dans la continuité de ses travaux, le groupe « Analyse et connaissances » du Labo de l’ESS a réussi à dégager quelques faits saillants qui peuvent permettre d’affiner notre connaissance des PTCE et leurs besoins de développement.
- Les acteurs de l’ESS à la genèse et au cœur de l’animation des pôles
Le rapprochement entre une multitude d’acteurs sur le territoire, notamment les collectivités locales et les entreprises privées, était le sens de la définition des PTCE donnée par le Labo de l’ESS. Les études ont cependant mis en évidence un risque de glissement vers des coopérations centrées sur des échanges exclusifs avec des entreprises privées lucratives. Hors la force d’un PTCE vient de la pluridisciplinarité des acteurs : ESS, TPE, PME, collectivité territoriales, centres de recherche, enseignement supérieur, centres de formation…
Premier enseignement de ces études, les entreprises d’ESS sont les maillons centraux de la genèse et de l’animation des pôles. 77% des parties prenantes de l’ensemble des PTCE étudiés sont des entreprises d’ESS au sens de l’article premier de la loi ESS. Les entreprises hors ESS sont bien présentes dans les PTCE mais davantage comme partenaires économiques, voire clientes que comme acteur pivot de l’animation. Elles représentent en moyenne 18% des organisations membres.
La géométrie de la gouvernance, la participation et l’implication des acteurs, s’adapte aux besoins du territoire et à l’ambition du PTCE. L’implication majoritaire d’entreprises à vocation principalement économiques peut également avoir un effet sur la finalité du PTCE : solidarité économique, ou lucrativité.
Enfin, deux configurations ont principalement été observées en termes de gouvernance. Ou bien une association ou SCIC avec un Conseil d’Administration et un bureau est créée, ou bien la gouvernance et l’animation sont déléguées à une organisation fondatrice avec la création d’un comité de pilotage et d’orientation. Dans le cas d’une gouvernance déléguée à une organisation fondatrice, la part dédiée par le responsable-dirigeant à l’animation du PTCE peut aller de 25 à 40% de son temps. L’autonomisation progressive d’une cellule d’animation avec la création d’un ou deux ETP (Equivalent Temps Plein) peut-être également observée.
- Mutualisation, coopération stratégique ou incubation : la solidarité économique est au cœur du modèle
Les PTCE étudiés regroupent généralement des entreprises de taille modeste même si quelques-uns comptent une à deux PME de plus de 50 emplois ETP. La petite taille des entreprises membres tend à conforter l’hypothèse que ces pôles constituent des réponses appropriées au problème identifié de l’émiettement des petites structures dans l’ESS.
Le regroupement ouvre à des opportunités de développement territorial, à un réseau de compétences et à des fonctions support auxquelles chacune des entreprises n’aurait pas accès individuellement. Cette configuration confirme notamment le rôle singulier d’incubateur d’entreprises assumé par certains PTCE. Plutôt que de voler de leurs propres ailes une fois créées, les entreprises restent membres du groupement au-delà de la phase d’émergence.
Hors des postes d’insertion et des contrats de professionnalisation permis par les PTCE (notamment ceux qui œuvrent dans les secteurs de l’insertion par l’activité économique), de nombreux PTCE comptent des résidents qui créent leur propre emploi. Co-working, fablab, pépinières : ces espaces d’animation hébergent des créateurs, des entrepreneurs ou des artisans au sein des PTCE. Ces derniers bénéficient des opportunités de coopération et de mutualisation proposées. Par exemple, le PTCE Imaginations fertiles (anciennement La Serre) compte une quarantaine de résidents et anime un réseau de 80 artisans et designers.
Trois niveaux de coopération ont pu être identifiés :
- La mutualisation de ressources, de compétences des fonctions supports. Des emplois partagés et des formations communes, des échanges d’informations, d’expériences, de savoirs et de compétences, l’hébergement dans un lieu mutualisé et la gestion d’espace collaboratifs ou encore une gestion administrative et financière partagée.
- La coopération économique sur projets communs. Les PTCE constituent un environnement favorable pour le partage de projets communs entre entreprises. Des coopérations bilatérales et des participations croisées entre organisations membres du PTCE ainsi que la création de nouvelles activités et entreprises peuvent voir le jour. Ils permettent également de concevoir une offre commune de biens et services pour faire jouer la complémentarité de compétences.
- La coopération prospective et stratégique. Il s’agit de se regrouper pour sortir de l’isolement, d’être plus fort sur le marché pour mieux assurer l’avenir des entreprises membres.
- Un modèle économique hybride
Il existe une dialectique autour du modèle économique des PTCE. Les budgets annuels récoltés pour la période 2014 varient de 35 000 à 748 000€ avec un budget moyen de 245 000€.
Pour la plupart de ces pôles, les subventions constituent un financement incontournable à leur animation et développement. Les soutiens publics sont diversifiés et l’Etat n’est pas la seule source de financement (peu de PTCE sont lauréats des appels à projets interministériels in fine). Les métropoles, communautés de communes et les Régions sont les partenaires les plus fréquents. Le développement économique des PTCE entre en cohérence avec leurs compétences. Quelques PTCE ont également recours à des emplois aidés. Les financements européens ne sont pas mobilisés.
Il reste que les PTCE se montrent plus ou moins en capacité de diversifier leurs ressources. La principale source de financement provient de produits liés aux services mutualisés mis à disposition de leurs membres. Pour les PTCE gestionnaires d’un lieu commun, les revenus issus de loyers ou redevances des structures hébergées constituent un poste budgétaire non négligeable pouvant aller jusqu’à un quart de l’ensemble des produits.
La mutualisation de services tels que l’accueil et la logistique, l’achat groupé de fourniture, la communication, la paie et la comptabilité font également office de poste de ressources et d’économie. La refacturation par le PTCE aux entreprises membres, permet cet effet avantageux. Pour le moment, la tendance dominante reste cependant de couvrir les frais plutôt que de dégager des marges pour le pôle.
Peu de PTCE envisagent d’aller jusqu’au prélèvement d’un pourcentage sur les chiffres d’affaires générés en co-traitance ou sous-traitance pour financer une partie de l’animation du PTCE comme le fait par exemple Initiatives et Cité (Lille MétroPôle Solidaire) pour qui le prélèvement sur les chiffres d’affaires générés par les membres (cotraitance et sous-traitance) représente 4% du chiffre d’affaires du PTCE.
En termes de secteur d’activités couverts, on observe quelques tendances : culture, bâtiment et écoconstruction, éco-activités, services à la personne, restauration, distribution alimentaire et circuits courts ; activités créatives et numérique. Et des secteurs moins présents : industrie, médico-social, sports, loisirs, banque et assurance. Une différence de plus avec les pôles de compétitivité.
Encore neuf, le concept de PTCE dépendra des expérimentations réelles réalisées sur les territoires que le Labo s’efforce de mesurer. Il lancera bientôt une plateforme en ligne pour la valorisation et le développement des PTCE.
Source : Le Labo de l’ESS : http://www.lelabo-ess.org/