Quel peuple d’acteurs ESS voulons-nous être ?
L’actualité inspire cette question existentielle au président du Labo de l’ESS Hugues Sibille. Il propose aux acteurs de l’ESS de faire mouvement.
Edito publié le 11 octobre sur le site du Labo de l’ESS
La rentrée donne matière à réactions sur les politiques publiques relatives à l’ESS. L’automne y souffle le chaud (nomination d’un Haut Commissaire) et le froid (arrêt des emplois aidés, menaces budgétaires sur les DLA). Et si l’on regardait cette actualité autrement, à partir d’une question posée par Patrick Viveret, notre administrateur inspirant ? Plutôt que commenter tel mot du Président, telle annonce de ministre, interrogeons-nous sur ce que nous voulons être ou ne pas être, peuple responsable in fine de la démocratie. Inversons la pyramide. Je tente subjectivement cet exercice en l’appliquant à l’ESS : à quel peuple d’acteurs ESS ai-je envie d’appartenir ?
Je n’appartiendrai pas à un peuple d’acteurs ESS qui attendrait tout de l’État. Nous avons (enfin !) un Haut Commissaire à l’ESS. Tant mieux. Mais il ne fera pas à lui seul changer d’échelle l’ESS. D’autant moins s’il est isolé au sein d’un Gouvernement qui n’a pas pour l’instant donné de signe d’intérêt à l’ESS. Le Haut Commissaire aura besoin de la société civile pour réussir. Donc de nous. Or nous sommes un peuple dispersé, fractionné. Nous ne faisons pas Mouvement. Exemple : l’ESS n’a pas su apporter de réponse collective à l’arrêt annoncé des emplois aidés. Pourtant cette annonce jetait une forme d’opprobre générale sur notre concept essentiel d’utilité sociale ! Alternatives Économiques organise avec le soutien du Labo de l’ESS fin Novembre à Dijon les 2èmes journées de « l’économie autrement ». Bravo ! Il faudrait pouvoir aller plus loin : pourquoi ne pas refaire des États Généraux de l’ESS préparés sur chaque territoire ?
Je n’appartiendrai pas à un peuple d’acteurs ESS enfermé dans son périmètre statutaire. J’appartiens à une économie sociale sans rivage qui entend polliniser le reste de l’économie et co-construire autour d’elle des alliances d’intérêt général. Revisitons l’intérêt général. C’est pourquoi les dynamiques nouvelles qu’incarnent les Pôles territoriaux de coopération ou les Coopératives d’intérêt collectif m’intéressent vivement. Là s’invente l’intérêt général de demain, davantage que dans l’idée de « capitalisme d’intérêt général ». La finalité du capitalisme reste le profit redistribué. Pas l’intérêt général. Je croirai au capitalisme d’intérêt général lorsque le pouvoir et les résultats seront partagés dans l’entreprise entre les actionnaires, les salariés et les autres parties prenantes.
Je n’appartiendrai pas à un peuple d’acteurs ESS qui brandirait l’insoumission sans chercher à inventer les mondes de demain, sans les expérimenter aujourd’hui, sans en assumer les contraintes économiques. Le peuple d’acteurs ESS qui m’inspire avance sur une difficile ligne de crête qui tient en équilibre modèle économique et transformation sociétale. Pas sur une rhétorique du refus. C’est ce qu’essaient de faire des territoires expérimentaux comme les Territoires à énergie positive ou les Territoires Zéro chômeur de longue durée. De ce point de vue, je n’ai pas bien perçu où Nicolas Hulot situe sa Transition Écologique ET solidaire. Pourquoi ne pas s’inspirer des PTCE pour labelliser des Territoires de Transition Écologique et solidaire ? Figeac, Loos en Gohelle et d’autres montrent une voie. Elle est praticable.
Et vous, qui vous intéressez aux travaux du Labo de l’ESS, à quel peuple d’acteurs avez-vous envie d’appartenir ? Comment voulez-vous faire émerger un Mouvement ESS, pluriel certes, mais capable d’entraîner et de peser sur les choix ?
A vous la parole !
Hugues Sibille
Président du Labo de l’ESS
Le Labo de l’ESS est un think tank qui construit par un travail collaboratif, des axes structurants de l’économie sociale et solidaire, à partir d’initiatives concrètes, innovantes et inspirantes issues des territoires.
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