Les associations au service de l’emploi en quête de reconnaissance
L’action menée par les organismes publics tels que Pôle emploi ou les missions locales s’adresse actuellement à un trop grand nombre de personnes pour pouvoir accompagner chaque demandeur ou créateur d’emploi d’une manière adaptée à ses besoins .
Contrairement à d’autres pays européens, le chômage structurel reste élevé en France par suite de l’absence d’un dialogue social efficace, du corporatisme des groupes d’intérêt et d’un cap fluctuant des politiques publiques.
Cette situation n’engendre pas seulement des millions de drames personnels, elle constitue aussi un poids considérable pour l’économie nationale et met en danger notre modèle social. Si les citoyens ne peuvent changer à eux seuls le cours des choses, ils peuvent contribuer, chacun dans son entourage ou à travers des associations auxquelles ils adhèrent, à la réduction du chômage.
Depuis trois ans, dans le cadre du Pacte civique, un collectif d’associations organise une « Fête du travail, faites des emplois », ayant pour but de mobiliser l’initiative citoyenne.
Les constats et propositions que nous faisons cette année sont les suivants :
L’appui des citoyens auprès des chômeurs donne toute son efficacité à l’aide de l’Etat en transformant la solidarité publique en fraternité humaine. L’action menée par les organismes publics tels que Pôle emploi ou les missions locales s’adresse actuellement à un trop grand nombre de personnes pour pouvoir accompagner chaque demandeur ou créateur d’emploi d’une manière adaptée à ses besoins en lui donnant, en plus de renseignements standards, pour ne pas dire bruts, un peu de confiance en lui-même, un souffle d’espoir, un contact, une recommandation personnelle.
Sur le terrain
Parler à quelqu’un qui est là, devant vous, qui écoute, au sens plein du terme, qui aide à réfléchir, c’est autre chose que de passer une heure à entendre des messages téléphoniques qui vous guident dans le dédale des services avant de vous mettre en contact avec un employé manquant souvent du temps nécessaire pour pouvoir véritablement communiquer. Introduire un peu de synergie entre l’action publique et l’accompagnement citoyen pourrait changer assez fondamentalement l’efficacité des services publics.
Les actions menées par les associations ont une valeur expérimentale. Elles ouvrent des voies nouvelles en matière de création d’emplois, qui méritent d’être exploitées. L’innovation sociale naît rarement dans un bureau. Elle surgit sur le terrain, au contact direct des hommes et des femmes qui essaient de s’en sortir avec l’appui de ceux qui sont proches d’eux.
Certaines associations, telle Solidarités nouvelles face au chômage, aident les chercheurs d’emploi à trouver un travail salarié et financent, si besoin, plusieurs mois de salaire pour faciliter leur insertion, sans faire appel à l’argent public. D’autres, comme l’Association pour le droit à l’initiative économique, exploitent l’initiative et les capacités des chômeurs eux-mêmes, en leur ouvrant accès au crédit et à l’accompagnement pour leur permettre de créer leur propre emploi.
D’autres encore, comme les Clubs régionaux d’entreprises partenaires de l’insertion (Crepi), réunissent des PME qui facilitent le contact entre entreprises et demandeurs d’emploi ou, comme ATD Quart-monde, tentent d’expérimenter une approche territoire pour résorber le chômage de longue durée. S’il est impossible de citer les dizaines d’associations qui œuvrent ainsi au service de l’emploi, avec des résultats qui sont loin d’être négligeables, on peut regretter que leurs actions ne soient pas davantage considérées par les pouvoirs publics comme des projets pilotes potentiels.
Il est rare que l’Etat diligente leur évaluation, qu’il ne faut pas confondre avec le reporting, et plus rare encore, dans le cas où elle est faite avec des résultats positifs en termes d’emploi et de coût, qu’il tente d’en tirer parti.
À contresens du code du travail
Même si elles ne sont pas suffisamment une source d’inspiration pour les politiques publiques, les actions menées par les citoyens ont besoin, pour être efficaces, d’un cadre légal et réglementaire approprié. L’innovation sociale va souvent à contresens des règles établies par un code du travail conçu à une époque où le travail salarié et l’Etat-providence apportaient toutes les réponses.
Si beaucoup de lois ont pu être amendées à l’initiative des associations – c’est le cas par exemple de la loi bancaire, de la reconnaissance de la création d’entreprises comme une voie d’insertion ou du régime de l’auto-entrepreneur –, d’autres bloquent toujours l’emploi de travailleurs indépendants peu qualifiés, comme la loi sur les qualifications artisanales imposant une formation disproportionnée par rapport à des tâches simples.
Pire, certaines lois, comme celles relatives à la formation professionnelle, ne sont pas pleinement appliquées pour ce qui concerne l’accompagnement des chômeurs créateurs d’entreprise.
A côté d’un cadre légal favorable, les associations ont besoin de financement public et privé qui leur permette de progresser. Faute d’évaluation, les contributions ne sont pas toujours fonction de leur efficacité. Nous avons là un grand retard par rapport à d’autres pays.
Ces expériences et ces idées, réunies dans le livre Recréer le plein-emploi, une utopie réaliste, par Anne Dhoquois (Editions Ateliers Henry Dougier, 96 pages), seront présentées lors d’un colloque organisé à l’Assemblée nationale le 27 avril. Mais il faudrait aller bien au-delà et, dans « l’esprit du 11 janvier », rouvrir le débat sur les nouvelles façons de travailler tous et mieux, à la lumière de nos échecs passés et des réussites constatées.
Beaucoup de jeunes, quand ils ne sont pas au chômage, s’interrogent sur le sens de leur emploi et cherchent des approches nouvelles, plus créatives, plus collaboratives, plus ouvertes vers le social. Ces idées aussi, portées par des associations comme Ouishare, Ticket for change ou Fabrique Spinoza, méritent d’être exploitées.
Patrice Bony, président des Clubs régionaux d’entreprises partenaires de l’insertion (Crepi), Jean-Baptiste de Foucauld, cofondateur du Pacte civique, Gilles de Labarre, président de Solidarités nouvelles face au chômage (SNC), Maria Nowak, présidente fondatrice de l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE).
Source : Le Monde Economie