Briançon : les associations mobilisées pour l’accueil des migrants
Si l’accueil des migrants est parfois controversé, la volonté des élus associée à l’engagement de la population et de son tissu associatif aide à surmonter les obstacles.
Un article de Victor Rainaldi, publié le 2 mai 2017 par le site AU SERVICE DES TERRITOIRES du Groupe Caisse des Dépôts.
Entre 2015 et 2016, un centre d’accueil et d’orientation (CAO) ainsi qu’un centre d’accueil des demandeurs d’asile (Cada) ont ouvert à Briançon.
De 1343 jusqu’en 1789, le Briançonnais et le Haut Piémont constituaient un territoire franco-italien, appelé la République des Escartons. Elle bénéficiait d’un statut politique et fiscal particulier et on y parlait plusieurs langues (français, italien, piémontais, occitan). Cette tradition multiculturelle est peut-être l’une des raisons qui expliquent la volonté des élus et la mobilisation des associations autour de l’accueil des migrants.
Tout commence avec l’ouverture d’un centre d’accueil et d’orientation
Au début de l’automne 2015, le ministre de l’Intérieur demande au maire, Gérard Fromm, s’il est prêt à accueillir des migrants de la « jungle »de Calais. Sa réponse est positive à condition d’en limiter le nombre à 25 pour rester dans le cadre des capacités d’une ville de 12.000 habitants. Quelques semaines plus tard, 21 « Calaisiens » arrivent à Briançon. Ils sont logés dans des locaux désaffectés remis en état et transformés en centre d’accueil et d’orientation (CAO) par l’office public de l’habitat. Les migrants sont accueillis par de nombreuses associations – Croix rouge, Secours populaire… – dont les interventions sont coordonnées par une autre association, MAPEmonde, créée par la MJC-centre social du Briançonnais. Parmi les premières mesures prises figure une visite à l’hôpital pour contrôler leur état de santé.
Un centre d’accueil des demandeurs d’asile complète le dispositif
Un an plus tard, en novembre 2016, c’est un centre d’accueil des demandeurs d’asile (Cada) de 60 places, géré par la fondation Edith-Seltzer, qui ouvre ses portes. « Nous avons soutenu la fondation dans sa réponse à l’appel à projets, en posant la condition que seulement 30 demandeurs d’asile soient accueillis sur Briançon et les 30 autres dans le Briançonnais, précise le maire de Briançon. » D’abord hébergés en logement collectif, ils sont ensuite orientés vers des appartements dans le diffus.
Quel type d’habitat pour les migrants : diffus ou collectif ?
Le maire de Briançon est peu favorable au diffus, au moins dans un premier temps. « Quand ils arrivent, les migrants sont souvent inquiets et ont besoin, sans doute par l’instinct grégaire que nous partageons tous, de se retrouver ensemble pour se rassurer, acquérir les codes culturels en vigueur ici et les premiers rudiments de notre langue. » Après cette période d’accoutumance le diffus devient certainement plus efficace pour favoriser leur intégration.
Conditions à réunir pour accueillir des migrants
« J’en vois au moins trois, indique le maire. Une volonté politique forte et revendiquée, une mobilisation des associations et du bénévolat ainsi qu’un nombre de migrants accueillis en rapport avec la population et les possibilités d’un territoire. » Des cours de français sont dispensés gratuitement par des acteurs associatifs qui proposent aussi une découverte de la région par des balades et une initiation au ski. MAPEmonde, dont la mission est d’accueillir les personnes étrangères, assure l’accompagnement social et aide les migrants dans les démarches administratives.
Peu de réticences de la part des habitants
L’accueil des migrants pose la question de la compatibilité des actions humanitaires avec le droit en vigueur et de son application. Une question qui n’est pas plus simple à résoudre que celle de la rareté de l’emploi sur de nombreux territoires. Mais le frein principal constaté par le maire de Briançon est plus psychologique : « C’est le refus de l’autre qui a poussé une minorité à nous reprocher d’en faire plus pour les migrants que pour les personnes du territoire en difficulté. Ce reproche est évidemment faux. Nos populations en difficultés bénéficient notamment des dispositifs d’aides du CCAS. » Par ailleurs, la mairie n’a relevé aucun conflit entre les migrants, issus pour la plupart de pays d’Afrique sub-saharienne, ou entre migrants et habitants. De même, pas un seul délit n’a été lié à leur présence.
La municipalité a besoin du relais des associations et de la population
Les migrants restent en moyenne une dizaine de mois, voire moins, s’ils sont orientés d’un CAO vers un autre Cada que celui de Briançon. Certains obtiennent un statut de réfugié, d’autres sont déboutés et présentent un recours, ou retentent peut-être de passer en Angleterre, leur destination initiale. Mais une partie d’entre eux demeure officieusement dans la région et l’élu souhaite trouver avec l’État une solution à cette situation. Quoi qu’il en soit, il ne regrette pas d’accueillir des migrants, au contraire : « Je suis très fier de voir la population de Briançon manifester sa solidarité et sa fraternité avec des personnes qui ont connu des souffrances considérables. Sans son relais et celui des associations, la volonté politique de la municipalité ne suffirait pas à organiser l’accueil des migrants dans des conditions acceptables. »