L’ESS n’a pas encore gagné la bataille des idées
Alors que Claude Alphandéry vient de passer la main à la tête du Labo de l’ESS à Hugues Sibille, le nouveau site créé par Alternatives Économiques AlterEcoPlus revient, dans un entretien croisé, sur la reconnaissance dont bénéficie l’économie sociale et solidaire (ESS) aujourd’hui en France, et les défis auxquels elle est confrontée.
La loi sur l’ESS du 31 juillet 2014 s’est donnée pour mission de permettre au secteur de changer d’échelle. Un objectif que porte aussi le Labo de l’ESS. Où en est-on ?
Claude Alphandéry (C.A.) : La loi sur l’ESS a été un grand pas : elle permet de valoriser des initiatives. Mais la loi reste la loi, et le changement d’échelle ne se fait pas en une fois. La loi ESS s’inscrit dans le travail fait depuis de nombreuses années pour faire pression sur les pouvoirs publics. Ce travail s’ancre notamment dans les réflexions initiées dans les années 1970 qui montrent que le système capitaliste ne pourra pas continuer sans se modifier en profondeur. Les États généraux de l’ESS, qui ont marqué la naissance du Labo de l’ESS en 2011, ont permis de montrer que des initiatives existaient mais qu’il fallait aller plus loin et voir en quoi l’existant était l’amorce d’une transformation.
Et surtout, le changement d’échelle est nécessaire, mais ce n’est pas seulement une question de taille, c’est aussi une question de coordination, comme le montrent les Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE). Nombre d’entre eux permettent de faire des liens entre des activités très diverses et de créer des écosystèmes sur le territoire.
Hugues Sibille (H.S.) : Oui, le changement d’échelle doit aller de pair avec l’idée de transition, par opposition à celle d’un retour aux Trente Glorieuses après la crise. Nous n’y reviendrons pas. Or la transition prend du temps. La question posée est celle de l’amplification de la transition socio-économique et écologique. L’ESS peut et doit être une contribution, la plus significative possible, à la transition. Cette idée n’est pas encore passée dans la tête des décideurs politiques.
Il faut aussi voir que la loi ne génère pas en elle-même le changement d’échelle. Aujourd’hui, il n’y a quasiment pas d’administration d’Etat pour porter le sujet. Et pourtant, après le vote de la loi, il faudrait amplifier une politique publique de développement de l’ESS, avec l’affichage d’objectifs et la mise en œuvre de moyens. Enfin, le changement d’échelle n’est pas seulement quantitatif, ce n’est pas seulement une question de part de l’ESS dans le PIB. Il faut rester vigilant sur les indicateurs et promouvoir une dynamique qualitative où les citoyens ont plus voix au chapitre et qui soit plus écologique.