Tirelire solidaire

L’épargne solidaire pour une économie où l’homme est reconnu

L’épargne est le fruit d’un travail, parfois d’un patrimoine, toujours d’économies nommées de précaution. Cette précaution, d’aucuns l’envisagent dans un esprit de solidarité. Surgit alors la question du sens à donner à cette épargne pour rejoindre ceux qui sont en difficulté. L’argent perd en intérêt d’immédiateté mais gagne en fertilité pour plus de cohésion sociale.

Cette épargne permet d’agir pour les oubliés d’un système qui fonctionne pour une grande majorité mais exclut les plus vulnérables; plus de 8 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté et plus de 4 millions d’autres sont touchées par la précarité (source du CESE). url

L’affaiblissement de l’Etat-providence est une pressante invitation à concevoir l’entrepreneuriat social non seulement comme un acte réparateur, mais comme une dynamique réconciliant l’économie et l’humain. Pour ce faire, s’impose la mobilisation de capitaux libérés de deux contraintes destructrices: l’oukase de la financiarisation et le court termisme.

Utopie? Non. Les résultats sont certes insuffisants mais probants et encourageants. L’épargne solidaire se développe pour atteindre fin 2014 près de 6,84 milliards d’euros investis sur des produits d’épargne solidaire soutenant des projets à vocation sociale et/ou environnementale.

La finance solidaire en 2014 a de nouveau progressé de 13,6% (source Finansol, garantissant le caractère éthique et transparent de cette épargne).

Si les épargnants solidaires furent très longtemps des militants, ce qualificatif doit être nuancé avec l’apport de l’épargne salariale solidaire représentant au 31 décembre 2014 un montant de 4,1 milliards d’euros, soit 60% de l’encours de la finance solidaire.

Les premiers épargnants solidaires sont désormais les salariés qui, inclus dans le champ sociétal, témoignent d’un ‘prendre soin’ à l’égard de ceux qui en sont exclus. Comment ne pas saluer cette ouverture d’une Société qui, refusant les fatalités destructrices, tel le chômage, est déterminée à susciter un autrement.

L’entreprise se révèle le 1er acteur de l’économie solidaire. Cette observation ne devrait-elle pas concourir à ce qu’elle ait un statut juridique se rappelant que, seule, la société en dispose pour être définie par l’affectio societatis: « se regrouper en vue de partager des bénéfices ».

Or, un regroupement s’opère, moins pour recevoir des dividendes que pour créer des richesses à partager avec ceux qui n’en ont pas. Cette perspective esquisse un concept dynamique, celui de l’entrepreneuriat porté par deux vecteurs, la confiance et la solidarité.

Une nouvelle économie se bâtit dans un passage encore timide mais réel où les biens ne sont plus seulement une finalité pour être désormais au service des liens.

Nous observons trois types d’épargnants solidaires: les salariés qui sont les plus nombreux, le épargnants qui investissent dans les produits bancaires et enfin ceux qui souscrivent au capital de sociétés non cotées offrant une activité solidaire.

Cette économie offre à ceux qui ne l’ont pas la possibilité de retrouver une place. L’argent parfois brutalise, ici il n’est plus dominateur mais dominé par des acteurs qui entendent l’affecter à des opérations qui font sens.

L’homme reconnu, ne serait-ce pas la bonne définition de cette nouvelle économie transformatrice des relations entre les entreprises classiques et celles relevant du champ de l’économie sociale et solidaire.

Le sujet est le changement d’échelle. L’épargne solidaire représentant 1,2/1000 de l’épargne circulant des français, l’urgence est de viser 1%. L’objectif est tenable ; il est pour le moins raisonnable pour autant que la raison prenne en compte l’homme, tout l’homme.

La montée des précarités et de la pauvreté hurle des urgences nécessitant une mobilisation plus forte de l’économie solidaire avec de nouveaux supports, notamment celui de l’assurance vie dont l’encours est de 1500 milliards d’euros. Si 5% de cette épargne s’investissaient dans l’économie solidaire, de nouvelles marches seraient gravies.

Cette forme d’économie, richesse de l’esprit d’entreprendre, met hors d’âge la maxime de Montaigne: le profit de l’un est le dommage de l’autre. Les lignes ont bougé, des rêves se réalisent; la trace de gratuité dans l’économie semblait folie, voici qu’elle suscite des résultats encourageants dans cette recherche d’une économie maîtrisée ou positive.

Par : Bernard Devert – Prêtre et entrepreneur social

Source: Le Huffington Post