Claude Alphandéry : « Ne pas bouder »
Dans une tribune publiée par le Labo de l’ESS, son président-fondateur dit ce qu’il pense de la « grande consultation citoyenne » annoncée par le président de la République en réponse au mouvement des « gilets jaunes ».
Tribune de Claude Alphandéry publiée le 27 décembre 2018 par Le Labo de l’ESS
Il serait absurde de bouder les assemblées de consultation des citoyens que le Pouvoir s’est trouvé contraint de proposer en réponse à la colère des Gilets Jaunes ; colère qui dans un premier temps s’exprimait par des cris de souffrance et des revendications sur le niveau de vie et qui a débouché peu à peu sur une démocratie sociale, une appropriation par les citoyens du champ économique, social, écologique et politique.
En cédant par des réponses ponctuelles mais significatives sur les souffrances les plus criantes touchant salariés, indépendants et retraités , sans pour autant renoncer à un néo-libéralisme inégalitaire aux effets délétères tant sur les conditions de travail et de vie que sur le sort de la planète, le Pouvoir risque de connaître rapidement les contradictions et limites de sa politique et de se heurter à des mouvements de colère plus ouverts que les premiers aux sirènes populistes.
Il cherche à prévenir ce risque en prenant acte de l’appel des citoyens à une vraie participation démocratique, en proposant des tenir des assemblées de consultation large (quoiqu’ imprécise) ouvrant la voie à cette participation.
Il me paraît opportun, voire indispensable, que les principaux acteurs de l’économie sociale et solidaire entrent résolument dans cette consultation. Il faudra en effet faire en sorte qu’elle ne se perde pas dans la confusion, qu’elle ne dérive pas vers de fausses solutions ou des boucs émissaires mais qu’elle s’attache en revanche aux deux points essentiels d’objectif et de méthode :
- Comment à la fois remédier aux souffrances, corriger les inégalités et conjurer les périls planétaires, en combinant finalités sociales, écologiques et contraintes économiques ?
- Comment répondre à cette question en associant les citoyens à un débat et une mise en œuvre constructive, efficace et démocratique ?
Ce sont deux points sur lesquels l’ESS apporte des réponses souvent innovantes, parfois des débuts de solution au moyen d’initiatives déployées sur de nombreux territoires, dont malheureusement le puissant mouvement des gilets jaunes n’a pas tenu compte ni tiré parti.
Le Labo peut y remédier ; il connait bien les acteurs de ces initiatives notamment à travers les Pôles territoriaux de coopération économique et les chantiers en cours sur les « territoires pionniers » ; d’autres grands réseaux, tels que France Active, Territoires Zéro chômeurs de longue durée, monnaies solidaires, etc. s’attachent avec force aux actions d’économie sociale, solidaire et durable.
Ensemble, il nous faut saisir rapidement ceux des acteurs les mieux à même d’avancer des propositions propres à faire progresser la grande consultation nationale ; les appeler à établir pour celle-ci des « cahiers de résolutions et d’espérance » brefs et précis ; ils y relateront leurs objectifs, leurs principes, leurs premières réalisations, les problèmes rencontrés et formuleront les solutions que peuvent leur apporter des politiques publiques profondément transformées.
Il est urgent de se manifester ; il serait particulièrement mal venu de ne pas faire entendre la voix de l’ESS au moment où tout peut se jouer pour le meilleur ou pour le pire.
Claude Alphandéry le 23 décembre 2018
Claude Alphandéry, né le 27 novembre 1922 à Paris, est un résistant, banquier et économiste français. Il est fondateur et président d’honneur du Labo de l’ESS, think tank français travaillant sur l’économie sociale et solidaire, et président honoraire du Conseil national de l’insertion par l’activité économique. Wikipédia
Président du Labo de l’ESS, Hugues Sibille est en phase avec cette tribune. Lire son éditorial du 15 janvier 2019 : Débattre et gagner ensemble la bataille des idées